John Coplans à la Fondation HCB

Back with Arms Above, 1984

Dans le Marais à Paris, la Fondation HCB présente une importante rétrospective consacrée à John Coplans, le photographe britannique aux quatre vies et à l’oeuvre unique entre toutes.

Quatre vies parce que l’homme (1920-2003) fut tour à tour soldat dans l’armée anglaise, peintre abstrait à Londres, co-fondateur de la revue Artforum et directeur de musées en Californie puis, à partir de 1980, photographe à New York. Une oeuvre unique puisqu’après une courte période de portraits et de street photography, il décide en 1984 de ne se consacrer qu’à un seul thème : son corps.

Les images qu’il produit alors donnent à voir des détails hyperréalistes de ce corps avec une indéniable portée subversive par rapport au goût et au canon du nu dans la culture occidentale moderne : c’est que Coplans a réalisé ces photographies entre ses soixante et ses quatre-vingts ans… L’exposition en présente une quarantaine, toutes issues de collections privées françaises. Les regarder accrochées ensemble désactive l’impression première de dégoût qu’on peut légitimement ressentir devant chacune - même si Coplans âgé était resté un bel homme -, cette gêne spontanée qui a pénalisé en partie du vivant de l’artiste l’acceptation de son oeuvre dans les foires et les collections des institutions : oui, l’exposition monographique de la Fondation HCB est la toute première de John Coplans en France… 

La seconde salle de l’exposition John Coplans à la Fondation HCB

Ensemble, ces « self portraits » éclairent l’intention et le propos du photographe : paradoxalement, en montrant la chair dans la crudité de ses imperfections - plis graisseux, poils, rugosités, naevus… -  mais en composant des images d’une impressionnante force plastique - les nuances de gris dans ce noir et blanc, dignes du dessin d’académie, sont splendides -, Coplans désincarne son propre corps pour le pousser de la physiologie vers la sculpture, de la finitude vers l’intemporel. Il aimait Brancusi, on n’en doute pas. Au milieu de l’exposition, un changement de perspective : les montages de fragments désunis - qu’il a initiés en 1988 - transforment son corps en paysage narratif, le subtil panorama d’une vie.

En regardant ces photographies, j’ai pensé au film de science-fiction hollywoodien « Le Voyage fantastique » (Richard Fleischer, 1966). Dans le film, on entre à l’intérieur d’un corps humain dont les parties et les organes, déshumanisés, deviennent des territoires inconnus qu’il faut traverser en les explorant ; avec John Coplans, on s’accroche à la surface d’un corps humain, déshumanisé lui aussi - ces fragments où le visage n’apparaît jamais n’ont pas d’affect mais une expressivité folle -, un territoire intime et universel qu’il faut apprendre à réexplorer du regard. C’est tout le contraire et c’est exactement la même chose.

Reclining Back, Three Panels, Left, 1990

John Coplans, la vie des formes

Fondation HCB, Paris

du 05 octobre 2021 au 16 janvier 2022

Le texte ci-dessus ne reflète que mon avis personnel

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